Il y a 25 ans, la chanson française vivait une forme de révolution douce. Exit les refrains faciles et les hits formatés : Biolay, Miossec, Dominique A, Delerm, Tiersen redonnaient à la chanson un goût pour la littérature, le spleen, et une forme de désillusion amoureuse très française. Une écriture du décalage, de l'intime, de la pudeur. Ils ont défriché un terrain qu'on pensait abandonné.
Aujourd’hui, ces figures sont devenues des monuments. Biolay sort encore des albums, Miossec s’est apaisé, Dominique A continue d’explorer des territoires musicaux exigeants. Mais qu’en est-il de la relève ? Qui, dans cette nouvelle génération, reprend le flambeau ?
Voici mon regard, en tant qu’auditeur passionné de chanson française, sur les artistes qui me semblent incarner cette sensibilité moderne, entre mélancolie, pudeur et audace.
28 ans, une aura immense, des textes bruts, directs, touchants. Pomme n’écrit pas pour plaire, mais pour dire. Elle me rappelle parfois Barbara, parfois Françoiz Breut. Son écriture du silence, de l’intime, de la douleur sourde, résonne fortement dans cette époque saturée de faux-semblants.
À écouter : "Je sais pas danser", "on brûlera"
Elle est arrivée sans prévenir. Voix profonde, textes déchirants, et une honnêteté presque brutale. Elle m’évoque un Miossec féminin version 2025, les arrangements électro en plus. Le spleen est là, la rage retenue aussi. C’est cru, mais jamais gratuit.
À écouter : "La symphonie des éclairs", "Tristesse"
Plus pop et flamboyant, mais avec une écriture très travaillée et un vrai personnage. Il joue avec la langue, l’image, la posture. Il divise, il ose, et c’est ce qu’on attendait d’un artiste post-Biolay. On peut aimer ou pas, mais il est impossible à ignorer.
À écouter : "Un jour je marierai un ange", "Roméo"
Elle vient du monde anglo-saxon, mais s’approprie la langue française avec une douceur précieuse. Elle m’évoque l’intimité d’un journal qu’on aurait mis en musique. C’est doux, mais pas fade. Une chambre, un piano, une voix — et tout est dit.
À écouter : "Miel", "Come into my arms"
Ces deux voix n’ont pas encore atteint leur plein potentiel, mais elles ont ce quelque chose de vrai. Emma Peters vient du minimalisme guitare-voix et prend peu à peu de l’ampleur. Mentissa, elle, montre qu’on peut allier voix puissante et propos personnels dans une chanson populaire.
Rovski : duo arty, poétique et singulier
Eddy de Pretto : plus frontal, mais pas dénué de profondeur
Tim Dup : sensible, poétique, parfois inégal mais sincère
Il n’y a peut-être pas un seul nouveau Biolay, mais plein d’artistes qui portent chacun une facette de ce qu’il représentait : l’exigence du texte, la fragilité mise en musique, l’élégance mélancolique.
La chanson française n’est pas morte. Elle a juste changé de peau.